jeudi 5 juillet 2012

J'aurais dû

J’aurais dû

. dire à la nana qui me faisait passer mon 4e entretien d’embauche pour un poste de vendeuse dans un centre commercial, que si mon projet de vie était vraiment de plier des fringues toute la journée, je ne savais pas s’il valait mieux choisir la corde ou le pistolet.
.jeter ce vieux reste de ratatouille quand je le trouvais déjà louche, ça m’aurait évité de nettoyer pendant 1 heure mon frigo, où règne encore une étrange odeur de rat crevé.
. éviter de taper du poing sur mon pauvre ordinateur, à chaque fois que la connexion Internet mettait plus de 4 minutes, je ne subirai pas aujourd’hui le quart d’heure d’ennui à regarder la souris multicolore tourner dans l’infini.
. ne pas ré-essayer de manger du tartare de bœuf pour la 5e fois, après 5 indigestions, mais bon que-quand-même-après-tout-si-tout-le-monde-en-mange c’est que ça doit être bon. Ben non, c’est pas bon et en plus je rajoute un numéro 6 à mon palmarès.
. ne pas trop me la raconter avec mes nouvelles chaussures de 12 centimètres, j’aurai eu l’air moins conne quand je me suis coincée le talon devant ce bar, et que j’y suis resté bloqué une bonne demi-heure en tirant sur ma jambe, essayant de garder un minimum d’estime de moi devant ce couple plié en deux de rire.
. prendre pour de vrai ce dernier verre, et pas en rajouter 8 après, parce que encore un petit dernier et puis là vraiment c’est le dernier, et là jte jure c’est le last drink, bon allez encore un et je me rentre. Je ne me serai sûrement pas réveillée par terre sur le carrelage de ma cuisine, à 15h, habillée et le maquillage coulant, en retard de 3h30, et tenant une espèce de sandwich à l’aspect aussi savoureux que mon haleine, à la main.
. me renseigner avant de signer tous ces bouts de papier. Je ne me retrouverai pas aujourd’hui avec une assurance mutli risques pour le téléphone, un contrat ‘sait-on jamais’ à la banque, un abonnement à 3 chaînes de sport, un engagement de 16 ans pour recevoir des fiches sur les animaux  et 230 appels par mois pour participer à des sondages sur les yaourts aux figues.
. dire une bonne fois pour toute que NON POUR LA 3487e FOIS JE NE VEUX PAS DE DOUBLES VITRAGES EST CE QUE QUELQU’UN M’ENTEND LA DEDANS BANDE P***** DE F*** DE ******************************.
. vérifier que j’avais bien appuyé sur enregistrer avant de fermer subitement ma page Word. Et la deuxième fois aussi.
. aller faire les courses quand le supermarché était encore ouvert, je ne me retrouverai pas sur mes toilettes, sans papier et sans lumière.
. balancer mon verre dans la tronche de ce gros con quand il m’a quitté au bout d’une semaine parce qu’il s’était rendu compte qu’il était amoureux. De sa meilleure amie. Et même cracher dans mon verre avant.
. me rendre compte plus vite qu’il y avait un truc bizarre quand je suis arrivée à ce casting pour une pub télé. J’étais la seule qui ne faisait ni 1m80 ni 50kg. J’aurai dû m’en rendre compte avant d’essayer ce mini short taille 34 où je rentrais jusqu’aux genoux.
. mettre le 4, le 19 et le 32 à la place du 6, du 14 et du 23. Je serais sûrement aux Seychelles sirotant un Malibu bien frais à l’heure où je vous parle…
. écrire cette chronique plus tôt.


vendredi 4 mai 2012

NINA

Cette histoire commence, il y a 10 ans.
Ça y’est, le lycée ! Je suis grande, je commence peut-être même à vieillir. Je sais que les trois prochaines années seront, comme ils disent, les vieux, les plus belles de ma vie ! Je ne connais personne et j’ai les choqottes ! Par expérience, en colo, en vacances, en classe de nature, je sais que j’ai la malédiction de m’asseoir toujours le premier jour, à côté de LA relou de service.
Je suis la dernière à entrer dans la salle de classe. Je mate à gauche, à droite, personne ne m’inspire… Et là mon regard se pose sur cette nana. Une grande, cheveux noirs, maquillage un peu gothique, l’air sombre mais des yeux verts grands ouverts. Cette fille, elle me plaît !
Je m’installe à côté d’elle et ce, pour les 10 prochaines années. Cette nana-là, c’est toi.
Ensemble au lycée, on est devenue presque adulte. Tu te souviens de ces heures passées au Piment Café à comploter contre le monde entier, à organiser des rébellions contre nos parents qui nous emmerdaient, et à faire la liste de ce qu’on emporterait lors de notre fugue à la montagne. Tu te souviens des terminales, qu’on matait entre deux cours, dont on est tombée amoureuse forcément, et même qu’on mettait des mois avant d’oser leur parler. Tu te souviens des révisions, même si on en faisait peu, qui en salle d’études nous endormait.
Ensemble on est restée des mômes. Tu te souviens des fous rires à s’en pisser dans la culotte, quand le prof de math a annoncé qu’il allait se pendre, où quand, convoquées chez la principale, on a donné une excuse bidon mais toute fois scientifiquement possible au fait qu’on utilisait notre lecteur Mp3 en cours. Tu te souviens de notre prière quotidienne à la cantine, « Et que s'appelorio Quézac » avant de commencer à manger, et des enchaînements chorégraphiques pointus de notre Pulp Fiction revisité.
Les premières vacances sans les parents, ensemble à passer la journée à fumer nos premiers joints, à faire fuir tous les randonneurs qui passaient devant les fenêtres de la maison, en hurlant des insanités, les pizzas au micro-ondes qui nous lançaient des décharges électriques si on les touchait avec le doigt, les soirées interminables au Mackenzie avec Roger et Robert, en transe sur Le Lac du Connemara… Ou encore notre séjour dans le Sud, à faire du canoë sur des cadavres de sanglier (mon dieu j’en ai encore des frissons !), à faire bronzette en compagnie de Gala, Closer et son ami Marie-Claire. Les vacances, les vraies. Avec mes parents aussi… Le fou rire dans la cuisine à côté de ma mère qui ne comprenait rien et toi qui n’arrivais pas à t’échapper… Et les week-ends à Brunoy, les parties de ping-pong où je te bats de toute façon, et le badminton où là, tu me fait courir comme jamais.
Et puis, les années déconnes. Les boîtes, les cuites, les premières conneries d’adultes. Là aussi, on s’est soutenue. Il y a eu aussi les peurs, la peur que tu partes trop loin, trop vite, avec les mauvaises personnes. De la main, je t’ai rattrapé. Plus tard, c’est toi qui m’a pris sous ton aile quand les mauvais jours sont arrivés.
Et on est devenues adultes. T’as rencontré des mecs, pas forcément le bon, j’en ai rencontré plein surtout des mauvais, et on a pleuré chacune dans les bras l’une de l’autre, à tour de rôle. Je t’ai vu devenir ce que tu voulais, une Djette parisienne, londonienne et même arabe ! Je t’ai vu bosser comme une acharnée, pour faire taire les médisants. Toi tu m’as épaulé, tous les 6 mois quand je passais d’un job minable à un autre. Parfois même, on a travaillé ensemble, et c’est vrai qu’on était une équipe de choc !
En 10 ans, on ne s’est jamais fâchée. Parfois on s’est perdue de vue mais pour quelques heures seulement.
Voilà, ma Nina, mon amie, ma sœur, ma deuxième moi, tu remplies ma vie des meilleurs moments possibles. Tu ne m’as jamais laissé tombé, comme tant d’autres, même dans les moments les plus durs, tu restes fidèle à toi-même ; j’aime ta fraîcheur, ton indépendance et surtout ton courage. C’est sûr la vie ne nous a pas fait que des cadeaux, mais te rencontrer, il y a 10 ans dans cette salle de classe, fût pour moi le plus beau des Noëls ! J’aime passer mes lundis à regarder TopChef chez toi, à essayer de reproduire leurs plats même si on finit par faire des pâtes, j’aime passer 1h à te faire les ongles et à recommencer 10min plus tard parce que tu les laisse jamais sécher suffisamment, j’aime quand tu m’accompagnes faire des photos parce que j’ai trop peur d’y aller seule, j’aime quand on se répète pendant des heures les dialogues entiers de La Cité de La Peur, et quand je trouve que t’es un peu mon Chabat à moi. J’aime quand tu ris tellement fort que toute la salle se retourne, j’aime que tu sois comme moi, à dépenser des fortunes dans des équipements de sport inutile qui restent sous le canapé, j’aime que tu me fasses découvrir des nouveaux horizons musicaux et même si je comprends rien quand tu me parles de technique, j’aime quand t’es amoureuse et qu’en plus j’aime bien ton mec, j’aime quand tu m’écoutes me plaindre, m’angoisser, me prendre la tête et qu’à chaque fois tu me rassures. Bref, Nina, je t’aime toi ! Merci pour cette décennie, je t’offre la prochaine.

Joyeux anniversaire…



jeudi 29 mars 2012

Madame Muscles

Je crois que j’ai toujours aimé le sport. Je ne dis pas que j’ai toujours aimé FAIRE du sport, mais une âme de combattante sommeille profondément en moi (vraiment profondément… Faut aller le chercher un peu loin, mais il existe…Je crois…).
Bien sûr à l’école, les cours d’EPS ont toujours été une corvée, avec un prof tyrannique qui vous fait courir sans raison 26 fois autour d’un poteau comme un chien court après sa queue. Au bac, j’ai fait volley en jupe (5/20), danse en pyjama (8/20) et course de vitesse. Là j’ai eu quand même 19/20, en précisant que je courrais contre moi-même vu que j’étais la seule à faire cette épreuve…
Puis, adulte, j’ai fait comme 70% de la population et je me suis inscrite dans une salle de sport. Et comme 99% de ces mêmes gens, j’ai abandonné au bout de quelques semaines. En même temps, rien que le fait de s’y rendre c’est déjà du sport.
D’abord à l’inscription, pour être sûr que tu n’hésiteras pas à faire ton chèque, il te mette Pablo, 1m94, 80kg, brésilien ultra golé en moule bite jaune flashy, qui t ‘explique en te palpant le gras des hanches, que ‘ma tou est magnifique ma laisse moi té rendre extrrrraordinaire’. Alors l’extraordinaire, ça coûte environ 1000€ par an, ‘ma oui ma tou sera la plou sexxxy’. Ah bon, ben d’accord alors. Et hop ! Pâtes au beurre pour le reste de l’année !
En premier, je passe par la case magasin de sport et je m’équipe comme si j’allais concourir au marathon de New York. Petit jogging pratique mais sexy, tee-shirt anti-transpiration mais ultra-féminin et baskets rembourrées mais roses… J’achète même le bandeau pour poignet, qui à l’heure d’aujourd’hui n’a toujours pas trouvé son utilité.
Me voici prête, poussant fièrement la porte du club, petit clin d’œil à Pablo au passage, me rendant au premier cours de fitness. Et pour la première fois de ma vie, j’assiste à un rituel animal assez étrange, où les femelles se battent à griffes nues pour le meilleur tapis et la meilleure place. Mesdemoiselles, sortez de votre mémoire le seul cours de judo que vous avez pris à 12 ans et faites preuve de réflexes inégalables. J’ai d’abord rebondi pendant 5 minutes contre la porte, poussée par Jocelyne, Christiane et le reste de leur gang. À côté, le concert de Booba ressemble à une partie de plaisir. Allez, je prends un tapis, le dernier troué et sale, et je prends place, la dernière d’ailleurs, au fond à gauche collée au radiateur… Quand la musique commence, je perds déjà l’équilibre. Je prends conscience alors que je vais faire subir à mon pauvre corps 1h30 de musique techno à 500 décibels. La prof, (elle, elle a du avoir une enfance en ex-Urss pas facile..) répète en boucle des enchaînements chorégraphiques dignes des clips de Beyoncé. Elle bouge, comme les autres, mais ne transpire pas. Jamais d’ailleurs, ce qui me fait demander si elle est bien réelle. Moi, dans mon coin, je meurs. Un subtil mélange entre un homard breton cuit et une vieille femme en fin de vie. Jocelyne se fout de ma gueule. La salope. La prof hurle ses mouvements si fort que j’ai l’impression de me faire engueuler. Au bout d’une heure, je longe le mur et sors discrètement de la salle.
Bon, pas de panique, les cours collectifs c’est pas pour moi, mais il me reste les machines !
Les machines, il faut avoir fait bac+6 pour comprendre le quart de l’utilité des boutons. Au bout de 14 balancements de jambes d’avant en arrière, j’avoue, j’en avais déjà marre. J’essaye de décrocher un sourire au jeune homme suant de douleur à côté de moi, mais je me rends compte assez vite que dans les usines, personne ne se regarde ni ne se parle. Des écrans de télé disposés un peu partout dans la salle balancent des clips RnB en boucle, histoire de te dire discrètement que si tu veux le corps de Rihanna va falloir bosser un peu !
15 jours plus tard, je donnerai n’importe quoi pour récupérer mon chèque…Mais évidemment, pour 10€ de plus j’ai refusé l’assurance annulation, me persuadant que ça serait une bonne motivation pour y rester. Et bien non, avec ou sans ça ne change absolument rien.
L’année d’après, je me laisse tenter par le Power Plate, dont un ami m’a vanté les mérites.
24h après le cours d’essai, je rayais cette personne de mon cercle amical. Au bout de 6 minutes de torture sur la machine, je suis persuadée que mon foie s’est déplacé de quelques centimètres… Mon cerveau aussi. Le Power Plate c’est un peu comme si on vous attachait pieds et mains liés à un vibromasseur géant version sado-maso. Mais sans le plaisir. Je pense qu’aujourd’hui, il me reste encore de grosses séquelles psychologiques…
S’en est suivi d’autres salles de sport, d’autres Pablo et Jocelyne, durant plusieurs années. Avec toujours le même échec final.
Une fois, je tente la piscine, il paraît que « ça muscle tout ton corps tu vas voir c’est GE-NI-AL ». Mouai. C’est génial mais surtout si tu enlèves l’eau toujours tièdasse à la limite du froid, les douches dégueulasses avec des poils d’origine inconnue qui se faufilent entre tes orteils, le look capote géante avec le bonnet de bain qui t’arrache le crâne et les lunettes qui décollent les yeux. Sans oublier que vu mon niveau proche d’un enfant de 6 ans, je me fais constamment engueuler « les lents c’est la file de gauche ! », si bien que je finis toujours par m’échouer dans le petit bain.
Voyant mon envie de muscles toujours intacte mais mon découragement toujours plus fort, je me mit à la WiiFit. Moins cher, moins loin, moins jugée. Cette fois, je suis seule face à mon écran, le prof ne me hurle pas dessus, il me parle même gentiment. Et même si je suis censée respecter un programme précis, défini auparavant par mon poids, ma taille et la couleur de mes chaussettes, je m’en fous, j’y vais quand j’en ai envie ! Et si ça lui plaît pas ? Je coupe le son. Je me dis, ça y’est LaVoyou, tu as trouvé chaussure à ton orteil ! Et voilà pas qu’une vingtaine de jours plus tard, j’ai déjà oublié que j’avais cet engin magique rangé sous le canapé. Parce que la motivation, sans Pablo, sans Beyoncé et ses copines, ben c’est pas pareil…Elle est sympa la dame qui me montre comment faire des ronds avec mes bras pendant 30min pour perdre 4 calories (si si c’est marqué en bas à droite !) mais bon, elle est encore moins réelle que ma tortionnaire du Club. J’aimerais lui dire que je vois pas en quoi faire des balancements de droite à gauche me permettra de faire du oula-oup cet été sur la plage, mais elle s’en fout. D’ailleurs tout le monde s’en fout. Sauf peut être mes voisins qui après m’avoir observé de la fenêtre d’en face (j’avais oublié de tirer les rideaux), pensent qu’il serait temps que j’aille consulter. « Regarde René, la fille d’en face se fait un dialogue avec sa télé… Si c’est pas malheureux… En plus elle a des spasmes. » Non mamie, je suis Wiifitée c’est pas pareil !

Allez, j’arrête les frais, il faut se rendre à l’ évidence. Je pourrais toujours mater d’un coin de l’œil le joggueur du coin et rire intérieurement de sa souffrance, mais je range dans un vieux tiroirs mon jogging et ses accessoires.  Le sport et moi, on s’aime bien, mais on s’aime mieux de loin…

jeudi 15 mars 2012

Quart de singe

Ça y’est. Putain de 25. À peine entrée dans la vie et hop j’entame déjà ma 6626e journée.
25 ans… mais qu’est ce que j’ai fait pendant 25 ans ?
Du plus lointain souvenir que j’ai (à 5 ans vomissant à moitié sur ma mère dans mon lit) au plus récent (hier, les courbatures atroces dues à 2h30 de bowling sur ma console de jeu), ma vie semble être passée sans que je ne m’en rende compte. Certains moments m’ont marqué plus que d’autres, et c’est avec vous, lecteurs, que j’ai choisi d’en partager 5. Sans rapport entre eux, chacun de ses souvenirs a contribué à sa manière à forger ma personnalité…

1994
Premier pas dans l’art.
Tous les mercredis, avec Noémie, c’est danse. Nos mères, qui nous y ont inscrit quelque temps auparavant, ne se doutaient pas qu’il allait falloir se taper 7 ans de représentations dans des salles aussi prestigieuses que la salle polyvalente de Knokke le Zout. Une fois on a un costume de la pub Kodak, qui gratte atrocement, une autre, on danse le ‘feu’ et la ‘mer’ en simultané et on court partout, on saute, on écarte les bras les jambes. Moi même, je ne sais pas trop ce que je fais. Étant la seule élève ne sachant écarter les jambes à plus de 45°, je suis la pro du « vas y bouge n’importe comment de toute façon, c’est de la danse contemporaine »…
7 ans plus tard, je commence le théâtre et cette fois, c’est parti pour 9 ans de récitation acharnée ; de « ah ouai c’est vachement bien, j’ai pas tout compris mais c’est vachement bien » ; de durées indéterminées (un spectacle de 5 heures où je n’apparaît que dans les 10 dernières minutes) ; de fous rire aussi, en plein bac théâtre quand la prof de littérature décide de donner le sein à son môme, en plein Tchekov ; et de « vagine le texte putain vas y sort le de ton trou ! »dixit mon prof de théâtre, qui fut le dernier d’ailleurs…

1997
Premier nichon.
Ça y’est, j’ai les tétés qui poussent. Première brassière, première sensation de féminité absolue. À la porte du CM2, j’enlève mon tee-shirt quand ma mère ne me voit plus et je suis les cours de M. Alain en soutif. Normal. Je sens que je suis une femme. On me regarde. Ou plutôt on regarde mes deux boulettes qui peinent à dire bonjour à travers la brassière LiliSerelou taille –1. Y’en a une qui est jalouse, c’est A. A et moi on veut la même chose. On veut H. Mais H, il ne veut ni la blonde ni la brune. Il ne sait pas quoi (en même temps une telle pression à 10 ans, ça peut vous faire tourner la tête). Une guerre éclate. Brassière contre couettes. Je perds. Première déception amoureuse. Plus jamais je ne porterai de soutien gorge.

2003
Premier boulot.
J’ai 16 ans et je pars cuisiner à Toulon. Mes dernières expériences culinaires aussi foireuses furent elles (merci papa d’avoir mangé jusqu’au bout mon soufflé pas-soufflé-parce-que-j’ai-oublié-la-levure-ah-oui-tiens-la-levure…) m’avaient appris une certaine rigueur dans l’apprentissage. Il est midi quand le chef croate me baragouine dans un pseudo français d’aller éplucher 40 kg de pommes de terre grâce à un monstre de technologie, aussi appelée « machine à patates ». Après avoir cherché toutes les possibilités de sorties de secours afin de m’échapper rapidement de ce calvaire, je réussis à trouver le bouton ON au bout de 45 minutes et je pus revenir en cuisine, traînant lourdement mon sac de pommes, laissant derrière moi une traînée de boue dans toute l’école. Après avoir subi un savon croate en pleine face, le chef m’ordonne calmement d’enlever les dernières peaux restantes, à la main. C’est là que devant tout le monde, une quinzaine de personnes me fixant, je demande pour réaliser cette tache, une écumoire. Oui. Et j’épluche (enfin j’épluche, je massacre) ma pomme de terre, fièrement, avant de réaliser que si tout le monde est plié en deux de rire, c’est parce qu’au lieu d’utiliser un économe, j’ai une passoire à la main.
1h plus tard, j’étais de retour à la plonge.

2009
Première intoxication.
À Cassis avec ma meilleure amie. Midi. Il fait chaud. Trop chaud. Du coup je décide de manger une salade de la mer dans le bouiboui le plus crade de la plage. Normal.
12H30, après avoir ingurgité la première crevette, je me précipite aux toilettes du bar et je commence à mourir.
12h45, il faut partir. Vite. Maintenant.
13h, le club de plongée me remercie chaleureusement d’avoir utilisé et du coup repeint leurs toilettes communes.
13h20, mon amie comprend que je ne rigole plus, d’ailleurs je ne peux plus rien faire, je suis, en bikini, seule, avec mon terrible destin. Dans sa voiture, elle fonce.
13h25, la voiture s’arrête au bord de l’autoroute. Je me jette en tong sur la chaussée et j’escalade la petite montagne de verdure. Là, enfin cachée des automobilistes, je me concentre pour ne pas mourir tout de suite, mais me rend compte assez rapidement que je fais mes besoins à l’entrée d’un camp roumain. Je pleure. Encore.
14h, c’est les embouteillages. Je n’arriverai pas à la maison assez vite. Je sors de la voiture en marche, je cours, toujours en bikini, pour atteindre le premier bar PMU de l’entrée de la ville. Je casse mes chaussures. Je cours pieds nus. Le patron de bar n’a pas le temps de me prévenir, je me rue dans l’arrière cour et ouvre la porte des toilettes….. immondissimes…..à la turc… pieds nus…. Je n’ai jamais remis les pieds à Cassis.

2010
Première vie de couple.
Je me lance, moi Lavoyou, incapable d’entretenir plus de 3mois une relation stable, dans le grand emménagement en couple. Je découvre enfin les joies du partage « comment ça t’as fini le jus d’orange ? Mais je l’ai acheté hier !» ou « y’a puuu de pééquuuuu » sont mes pains quotidiens. Fini les soirées ‘Tellement Vrai’ avec comme accompagnateur ma bière, mon pain et mon calendos ; fini les jambes poilues et les culottes de grand mère taille 44, les pets sous la couette, les Macdo discretos… On peut même plus s’enlever les points noirs tranquille !
Je découvre les joies du linge sale, du slip coincé sous le lit depuis 8 mois « ah ben tu vois je t’avais bien dis que je l’avais pas perdu », des miettes de Pépito répandues sous la couette quand je rentre tard « mais j’avais faiiiiim »… D’un autre côté, la vie à deux c’est aussi les interminables parties de Super Mario jusqu’à 2h du mat’, les réveils enchantés, le maquillage coulant et l’haleine fétide on s’en fout, les ronflements incessant qui deviennent nécessaire pour s’endormir, les cadeaux (plus besoin de s’en faire à soi même), les câlins (plus besoin de s’en faire à soi même !)…. La vie à deux, quelle expérience ! Et même si parfois ça rate, on est prêt à abandonner ses rituels (rien qu’un petit peu) encore et encore et encore….

En 25 ans, et par ses infimes exemples, la vie m’a appris à toujours aller plus loin dans ses rêves, qu’on arrive à faire la roue ou non, qu’on soit malade ou qu’on se tape la honte, qu’on se fasse prendre son amoureux ou qu’on le perde, ses 25 ans, je veux bien les revivre encore et encore et encore…..

Lavoyou

lundi 6 février 2012

IBad

 Le jour où les larmes me sont montées quand mon ordinateur n’a pas voulu se connecter à Internet, juste pour 1h, je me suis dit qu’il y avait sûrement quelque chose de déraisonnable là-dedans…
Comment suis-je arrivée jusque-là ?
C’est vrai après tout, j’avais le choix. Suivre la destinée de ma mère, anti informatique-technique-techno, ou plutôt mon père, ultra technologie-modernisation-informatisation-4.2.
D’un côté, le clan S (Maman), où l’on prône le papier, où «nouvelle technologie » rime avec « c’est-où-qu’on-appuie ? ». Un monde merveilleux, sans connexion, sans fils, sans bug.
De l’autre, le clan G (Papa). Sans pitié, le clan G dévore les ordinateurs, les ipod/pad/phone, branche 6 connexions Internet en même temps, et utilise dans son langage de tous les jours des termes comme firewire, wifi et autre plug-in.
Deux clans, deux guerres. Qui gagnera ?
1993 : Le clan S lance sa première attaque. D’un geste souple et déterminé, la chef de file va lancer du salon du 4e étage de l’appartement de son ennemi, un ordinateur PowerBook d’une résolution révolutionnaire de 256 couleurs par la fenêtre. L’objet, lancé d’une main ferme, s’écrasera sur le boulevard Voltaire après une chute d’environ 9m82. Il ne restera de ce pauvre cadavre qu’un trognon de pomme.
Le clan G, à la limite du désespoir, n’en restera pas là. Pour contrer cette terrible attaque il organise une rébellion sur 15 ans. Chaque année, le clan G se procurera la dernière mode en matière de technologie. Minitel, Ordinateurs, télévisions, fax, téléphones, tout y passe. Avec pour slogan « pourquoi en avoir qu’un quand on peut en acheter 3 », le clan G accumule fils en tout genre, souris d’ordi, prises, multiprises, écrans, processeurs, etc.… Facile pour le clan G, surtout quand on a pour mentor un certain JPG (Papi). JPG enregistre depuis les années 80 tous les films passés à la télévision (3552 cassettes) sur 4 lecteurs différents en simultané, répare encore son Macintosh Classique 1990 et se branche sur ses 3 autres machines en attendant que le minitel finisse sa connexion. JPG a 86 ans, et il surfe sur le monde.

Alors oui, je devais faire un choix. Quel clan rejoindre ?
Attiré par la brillance des écrans, je m’efforçais de ne vexer personne. Petite, je n’avais pas le droit à la gameboy, et j’ignorais tout du monde virtuel. Le clan S était fait pour moi. Lorsque dans mes mains, je sentis pour la première fois le clic de la souris, un sentiment de bonheur intense m’envahit. Le clan G m’attirait très fortement et je fus contrainte d’abandonner mon bon vieux stylo pour un clavier blanc.
Triste de voir cette séparation numérique entre les deux clans s’affirmer, je trouvai une solution ! Et c’est comme ça que j’ai passé 475 heures à expliquer au clan S que non, la souris n’est pas un animal et que oui, si on appuie 120 fois sur valider ma commande c’est normal de recevoir 63 bouteilles d’eau de javel et 57 boîtes d’oeuf. J’ai montré 621 fois comment s’allumait la télé, j’ai sué de mon corps et serré des dents quand, pour la 34è fois, j’expliquai comment envoyer un texto. D’un autre côté, voyant le clan G s’enfoncer de plus en plus dans un gouffre numérique, (je passais de « je te rappelle t’es en 2e ligne » à « t’en en 2e ligne, envoie moi un mail pour me rappeler de te rappeler ») j’expliquais calmement au clan que le monde ne s’écroulerait pas si on coupait son téléphone 20 minutes par jour, et que si les écrans pouvaient abîmer les yeux, y rester scotché 17h sur 24 n’aidait en rien le développement cellulaire.
Si peu de choses aujourd’hui ont changé, les deux clans ont trouvé une entente pacifique. Maintenant, quand S n’arrive pas à allumer le lecteur DVD, elle envoie un courrier à G, qui, au lieu de lui re-montrer pour la 26e fois, se connecte à son Ipad/pod/phone, qui envoie la notice directement par texto à S, qui, après avoir mis 47 minutes à l’ouvrir, appuie enfin sur le bouton power de sa télécommande. Forcément, c’est plus simple !
Et moi, branchée, connectée, toujours un pied dans le monde virtuel, je n’oublie pas que ma tête elle, est bien sur terre. 

LaVoyou

jeudi 26 janvier 2012

Les Films à Manquer !

                      Le 13e Guerrier

Un film de John McTiernan avec Antonio Banderas
1999

Banderas, banderas pas….
Tout commence quand mon beau-frère, plein de bonnes intentions, m’offre ce film un matin de Noël. Un mois plus tard, le DVD traînant encore emballé dans son plastique, je me dis, allez Lavoyou, lance toi ! 1h47 après, le regard vide, la bouche pendante, les palpitations cardiaques réduites à néant, je regrette quand même un peu mon geste…
Pourtant, Antonio sait me faire frémir, mais là, imaginez plutôt un croisement entre Royal Rabbin et Tootsie version arabe, vêtu d’un pyjama blanc pendant les trois quarts du film.
Du haut de son 1m24, il rencontre plein de copains vickings, Buliwyf, Helfdane, Edgtho, Melchisedek (je sais oui, ça ferait un bon Scrabble) et part se battre avec une épée en plastique contre de pauvres étrangers qui n’ont rien demandé à personne. Si déjà vous avez réussi à retenir les prénoms de tous les personnages, vous pouvez passer au stade suivant…
Comme ses copains parlent une langue ancienne et incompréhensible (et non traduite), Antonio apprend leur langage en 2min (si si !) et du coup, tout le monde parle anglais parce que ça coûte moins cher (pas bête le réal !). À part ça, cette scène est sûrement la plus drôle du film.
Les scènes de bataille durent en moyenne 4min38, où tous les méchants (à ce stade, on ne sait toujours pas pourquoi ils sont méchants mais bon si on s’arrête à ça..) meurent décapités, tranchés et découpés en rondelle (plus la peine de cacher vos enfants car mis à part la sueur dégoulinante du front d’Antonio, vous ne verrez rien).
Après Antonio, il est fatigué le pauvre, alors il va rejoindre Boucle d’Or, blonde aux gros seins qui débarque de nulle part au milieu du film et qui lui fait de la bonne purée et là ça va mieux ! Alors il repart se battre avec ses copains et ils gagnent ! Chouette ! Du coup, ben Antonio il rentre chez lui dans son petit bateau et il est tout content d’avoir vécu des histoires supers avec ses copains supers !
On peut dire à ce stade que la seule satisfaction qu’on peut ressentir c’est qu’on s’est pas tapé les douze d’avant !

Un film à éviter !!! (ou alors sous champi…)


vendredi 20 janvier 2012

Hypochondria

 HYPOCHONDRIA

Quand je suis née, une fée s’est penchée sur mon berceau et m’a soufflé  « plus tard, toi, tu souffriras… ». Ironie du sort, je ne suis jamais vraiment tombée malade, je n’ai jamais eu un bras ou même une jambe cassés et l’on ne m’a pas découvert une maladie rare et incurable ces vingt-cinq dernières années. Maman j’ai mal ! Oui, j’ai mal au ventre, j’ai mal aux pieds, j’ai mal au crâne, j’ai mal au nez ; j’ai mal partout tout le temps, et pourtant… Je ne suis pas malade.
Je suis hypocondriaque. Ce mot, c’est le mien, il est à moi, il m’a été destiné…
Quand on naît dans une famille de médecins, on parle médecine, on mange médecine, on dort médecine. Acidocétose, Amblyopie, Cortex surrénal, Enterohépatique, glossodynie… Ces mots ne vous font pas rêver ? Moi oui ! Ils m’inspirent, on dirait des voyages dans des contrées inconnues, des formules magiques prononcées par d’anciens druides, ces mots, si douloureux qu’ils soient, sont pour moi des friandises, auxquelles je ne dois pas toucher.
Déjà enfant, je me plaignais souvent. L’infirmerie de l’école n’avait plus de secret pour moi, et j’alternais suivant les saisons, maux de ventre, maux de tête, dos en compote, mal au poignet, cheville fragile, yeux fatigués… Ma mère, la pauvre, devait recevoir au moins six coups de téléphone par mois pour venir me chercher… Mes profs, les pauvres, à force de m’entendre geindre, devaient recevoir au moins six comprimés de Xanax par mois pour tenir jusqu’à la fin de l’année… Si l’hypocondrie est un syndrome psychologique, aller consulter le médecin plusieurs fois par mois, est mon antidote. Grandir n’a fait qu’évoluer mes maladies imaginaires. D’un petit mal de tête en est sortie une tumeur incurable, de mes maux de ventre, des ulcères invisibles… Invisibles certes, car l’hypocondriaque se soigne. Oui, il fait des scanners, passe des examens, des coloscopies en tout genre ; un bol d’ibuprofène pour le petit-déjeuner et une ration de paracétamol avant d’aller au lit.
L’hypocondriaque aime les hôpitaux. Cela doit lui rappeler des souvenirs qu’il n’ait jamais eus, il aime l’odeur des couloirs, la nourriture servie en chambre, il aime se balader dans les différents services et prendre l’ascenseur avec les brancardiers.
Le rêve de l’hypocondriaque : pouvoir dire un jour « tu vois, je te l’avais bien dis que ça m’arriverait ».

Pour la petite anecdote chargée d’histoire (cultivons nous un peu cela ne nous fera pas de mal..), l’hypocondrie concernait à l’origine des gens qui souffraient de terribles douleurs sous les côtes droites et les médecins, ne pouvant atteindre et palper cette zone cachée, en avaient déduit qu’il s’agissait d’un trouble psychologique… Malheureusement pour les patients, ceux-ci étaient en fait atteint de calculs biliaires. Ironie du sort vous ne trouvez pas ?

L’hypocondriaque, c’est un peu comme le garçon qui criait au loup. Il jour, il se fait bouffer.
Mais comment ne pas le devenir ? Quand ma télé ne diffuse pas un épisode de Dr. House ou Grey’s Anatomy (constatons quand même que cette dernière a le chic pour transformer des patients apparemment sains en cadavre prêt pour la morgue. Ils veulent ma peau !), les magazines féminins me parlent sans cesse de détox’ et purification. Si je me branche sur le Web, c’est pour découvrir les nombreux sites médicaux et leur merveilleux ‘lexique des syndromes’. Vous ne voulez pas devenir hypocondriaque ? Ne vous connectez jamais, au grand jamais, sur un de ces sites ! C’est un peu comme la caverne d’Ali Baba, sauf que les bijoux d’ors sont remplacés par des montagnes de possibilités de maladies…Petit exemple, si je tape maux de tête et fatigue sur Doctissimo (pour ne citer que lui), il me propose au choix, un syndrome de fatigue chronique, une fibromyalgie, une neurasthénie ou une myasthénie… Et encore, je ne vous liste pas les 116 autres possibilités… Mmhh… Que choisir ? Alors forcément, je tombe dans la paranoïa, je me dis que oui c’est vrai que j’ai une baisse de tonus, que effectivement j’ai peut-être un peu mal au dos maintenant qu’on me le suggère, et que mes troubles digestifs sont sûrement liés oui, à une descente de mes viscères, ce qui a entraîné des troubles du sommeil… Mais alors docteur, je vais mourir ? Ben non, pas cette fois, pas encore. Pas d'hôpital, pas de médecins, pas de prise sang ni même de radio.  Et une petite analyse d’urine ? NON ! Un p’tit scanner alors ? NON !
Comme un drogué je suis en manque. Pour passer ma peine je regarde alors Meredith Grey annoncer à une jeune femme qui vient de se marier qu’il ne lui reste plus que quelques jours à vivre (la pauvre elle est venue pour se faire soigner un bouton… ), et je me dis « pourquoi pas moi ? »

 Oui, je suis hypocondriaque, mais je me soigne !


Lavoyou.