lundi 6 février 2012

IBad

 Le jour où les larmes me sont montées quand mon ordinateur n’a pas voulu se connecter à Internet, juste pour 1h, je me suis dit qu’il y avait sûrement quelque chose de déraisonnable là-dedans…
Comment suis-je arrivée jusque-là ?
C’est vrai après tout, j’avais le choix. Suivre la destinée de ma mère, anti informatique-technique-techno, ou plutôt mon père, ultra technologie-modernisation-informatisation-4.2.
D’un côté, le clan S (Maman), où l’on prône le papier, où «nouvelle technologie » rime avec « c’est-où-qu’on-appuie ? ». Un monde merveilleux, sans connexion, sans fils, sans bug.
De l’autre, le clan G (Papa). Sans pitié, le clan G dévore les ordinateurs, les ipod/pad/phone, branche 6 connexions Internet en même temps, et utilise dans son langage de tous les jours des termes comme firewire, wifi et autre plug-in.
Deux clans, deux guerres. Qui gagnera ?
1993 : Le clan S lance sa première attaque. D’un geste souple et déterminé, la chef de file va lancer du salon du 4e étage de l’appartement de son ennemi, un ordinateur PowerBook d’une résolution révolutionnaire de 256 couleurs par la fenêtre. L’objet, lancé d’une main ferme, s’écrasera sur le boulevard Voltaire après une chute d’environ 9m82. Il ne restera de ce pauvre cadavre qu’un trognon de pomme.
Le clan G, à la limite du désespoir, n’en restera pas là. Pour contrer cette terrible attaque il organise une rébellion sur 15 ans. Chaque année, le clan G se procurera la dernière mode en matière de technologie. Minitel, Ordinateurs, télévisions, fax, téléphones, tout y passe. Avec pour slogan « pourquoi en avoir qu’un quand on peut en acheter 3 », le clan G accumule fils en tout genre, souris d’ordi, prises, multiprises, écrans, processeurs, etc.… Facile pour le clan G, surtout quand on a pour mentor un certain JPG (Papi). JPG enregistre depuis les années 80 tous les films passés à la télévision (3552 cassettes) sur 4 lecteurs différents en simultané, répare encore son Macintosh Classique 1990 et se branche sur ses 3 autres machines en attendant que le minitel finisse sa connexion. JPG a 86 ans, et il surfe sur le monde.

Alors oui, je devais faire un choix. Quel clan rejoindre ?
Attiré par la brillance des écrans, je m’efforçais de ne vexer personne. Petite, je n’avais pas le droit à la gameboy, et j’ignorais tout du monde virtuel. Le clan S était fait pour moi. Lorsque dans mes mains, je sentis pour la première fois le clic de la souris, un sentiment de bonheur intense m’envahit. Le clan G m’attirait très fortement et je fus contrainte d’abandonner mon bon vieux stylo pour un clavier blanc.
Triste de voir cette séparation numérique entre les deux clans s’affirmer, je trouvai une solution ! Et c’est comme ça que j’ai passé 475 heures à expliquer au clan S que non, la souris n’est pas un animal et que oui, si on appuie 120 fois sur valider ma commande c’est normal de recevoir 63 bouteilles d’eau de javel et 57 boîtes d’oeuf. J’ai montré 621 fois comment s’allumait la télé, j’ai sué de mon corps et serré des dents quand, pour la 34è fois, j’expliquai comment envoyer un texto. D’un autre côté, voyant le clan G s’enfoncer de plus en plus dans un gouffre numérique, (je passais de « je te rappelle t’es en 2e ligne » à « t’en en 2e ligne, envoie moi un mail pour me rappeler de te rappeler ») j’expliquais calmement au clan que le monde ne s’écroulerait pas si on coupait son téléphone 20 minutes par jour, et que si les écrans pouvaient abîmer les yeux, y rester scotché 17h sur 24 n’aidait en rien le développement cellulaire.
Si peu de choses aujourd’hui ont changé, les deux clans ont trouvé une entente pacifique. Maintenant, quand S n’arrive pas à allumer le lecteur DVD, elle envoie un courrier à G, qui, au lieu de lui re-montrer pour la 26e fois, se connecte à son Ipad/pod/phone, qui envoie la notice directement par texto à S, qui, après avoir mis 47 minutes à l’ouvrir, appuie enfin sur le bouton power de sa télécommande. Forcément, c’est plus simple !
Et moi, branchée, connectée, toujours un pied dans le monde virtuel, je n’oublie pas que ma tête elle, est bien sur terre. 

LaVoyou